Eglise de Merle (photo F. Chommy - Grahlf)
Eglise de Merle-Leignec (photo F. Chommy – Grahlf)

Estivales 2017 – Bourgs, églises et fours à poix du Forez

Introduction de Jean Chautard sur le thème de la sortie.

Une toponymie abondante renvoie à ce qui « colle », ce qui « pègue », aux « péjassiers », et Jean-Louis Boithias a écrit un article dans les Chroniques du Grahlf sur les fours à poix.

Autour d’Usson, ont été répertoriés environ 19 fours à poix : nous en verrons 2.

Depuis l’Antiquité et jusqu’au milieu du xixe siècle, la poix a joué un rôle primordial pour la fabrication des baumes, de l’encens, des médicaments (sorte d’emplâtre pour réduire les fractures), pour l’éclairage, pour la réparation des outres et des amphores (d’où le vin résiné), pour élaborer les feux grégeois, pour assurer le graissage des charrettes….

En 1043, il y avait déjà des « péjassiers » (ramasseurs de poix) à l’endroit choisi par Robert de Turlande pour fonder l’abbaye de la Chaise-Dieu.

Au xviie siècle, Colbert, qui développe la marine royale, a grand besoin de poix pour calfater les bordages, et ce même produit sera largement utilisé pour la navigation fluviale (les sapinières de l’Allier et les rambertes sur la Loire).

Après 1850, l’arrivée des navires métalliques sonne le glas de la poix qui décline et disparaît rapidement. Et les personnes qui travaillaient en forêt pour ce produit se sont reconverties dans la fourniture de « buttes » pour l’étayage dans les mines de charbon de Brassac et de Saint-Etienne.

La poix résulte de la pyrogénation de la résine de conifères (sorte de distillation).

À l’époque romaine, on utilisait un « entonnoir » inversé et enterré fait en colombin (argile) et un autre « entonnoir » dans lequel étaient accumulées des branches de pin qu’on brûlait : on entretenait un feu intense autour du cône supérieur et, ce faisant, la poix s’écoulait dans l’entonnoir inférieur.

Plus tard, ont été construits des fours en pierres : les bûchettes de bois résineux étaient empilées verticalement en aménageant au centre une « cheminée » ; on étouffait la charge par des mottes de terre pour une combustion lente en réglant le tirage par un trou latéral ; un bac en pierre récupérait la poix.

On estime que dans la région d’Usson 700 quintaux de poix étaient produits.

Saint-Pal-en-Chalencon

La visite de ce bourg a été assurée par Madame Monique Aubert (du Grahlf) que nous remercions.

Saint-Pal relève actuellement du diocèse du Puy alors que, sous l’Ancien Régime, cette localité relevait du comté de Forez.

St Pal en Chalencon (photo F. Chommy - Grahlf)
St Pal en Chalencon (photo F. Chommy – Grahlf)

Situé à proximité de la Via Bolena (Lyon-Rodez-Toulouse), c’est anciennement un village fortifié avec un château comportant 2 tours Ouest et Est résultant d’un agrandissement à partir d’un donjon que l’on doit à l’évêque de Rodez (à partir du xiiie siècle).

Dès le xviie siècle, le seigneur de Chalencon, absent, est remplacé par un capitaine-châtelain qui percevait les impôts, et le parloir était la salle de justice.

À la fin du xviie, le château passe aux Polignac, et, à la Révolution, le dernier propriétaire, Besse de la Richardie, le voit mis sous séquestre et loué. Son héritier l’a vendu en 1823 et il a été divisé en lots.

En parcourant le bourg, nous remarquons une maison de 1669 avec une tour d’escalier, ainsi qu’une ancienne porte d’enceinte. Nous passons devant la maison d’un bourgeois local datant de 1756 avant d’arriver devant le château, construit sur un éperon rocheux ; des bâtiments disposés en un U fermé par un mur, il reste la tour d’escalier, les pièces d’accueil et la chapelle, devenue l’église paroissiale. En dessous, se trouvaient les écuries et la prison.

Chapelle castrale à l’origine, l’église St-Pal a été agrandie plusieurs fois du xviie au xixe siècles ; elle se trouve à un niveau plus élevé que celui de la cour du château, et ce, sans qu’une explication satisfaisante en ait été trouvée. De style gothique, elle renferme des boiseries du xviiie dans le chœur, une Pieta polychrome du xveainsi qu’une croix de Pénitents (une confrérie existait au xviiie). On remarque une Vierge noire et deux enfeus qui signalent probablement l’emplacement d’une sépulture.

Nous passons devant une maison du xviiie en pierres taillées et ornée de corniches qui a été construite par des maçons limousins.

Nous parvenons à l’extrémité occidentale de l’église où se trouvait l’ancien cimetière (un autre existait en contrebas, celui de la chapelle Notre-Dame).

Notre visite se termine par le récit cocasse d’un meurtre à épisodes multiples commis en 1676 par des craponnais sur la personne d’un marchand de Mons ; les coupables furent exécutés par contumace…

Trémolet

Dans ce hameau d’Usson, fut entreprise à partir de 2008 la restauration d’un ensemble artisanal comportant un four à poix.

Four à poix du Trémolet - Usson (photo F. Chommy - Grahlf)
Four à poix du Trémolet – Usson (photo F. Chommy – Grahlf)

La poix noire, qui avait de multiples usages, était découpée en petits blocs ce qui facilitait son transport. Sa production s’est étendue jusqu’au début du xixe siècle et elle s’arrêta brusquement entre 1830 et 1850 en raison de multiples facteurs : nouvelle technique d’extraction du goudron de houille, arrêt de la batellerie, (concurrence du chemin de fer), construction de navires à coque métallique…

Des fouilles effectuées en 2012 par un archéologue amateur ont été à l’origine de l’hypothèse de la présence d’un four à poix gallo-romain, ce qui a été récemment confirmé.

Installés sur une pente et à l’écart du hameau, les fours à poix étaient des constructions précieuses ; c’était des biens particuliers exploités par 1, 2 ou 3 personnes.

La 1ère partie du four était un cuveau en pierre cylindrique où étaient entassées verticalement des bûches de pin sylvestre. La combustion était lente : 3 jours et 3 nuits à feu étouffé. Le charbon de bois était récupéré pour servir à la métallurgie.

La 2ème partie était le bas du four (à 2 mètres maximum) où était récupérée la poix dans un chaudron (le pesou).

Bien avant la combustion, on procédait à la location des arbres que l’on saignait, que l’on écorchait pendant plusieurs années. Après 3 à 4 ans, on transformait la partie dolée en bûches qui, après 2 ans de séchage, étaient empilées dans le four ; la « cuisson » se faisait généralement à la belle saison.

Cette extraction de la poix était donc effectuée par des cultivateurs ayant les moyens d’investir sur 5 ans. Aux péages, la poix payait autant que le bois et le fer, ce qui montre sa valeur.

Sur Usson, d’après le cadastre Napoléon et les actes notariés, les fours à poix étaient nombreux : on en compte 19 entre 1650 et 1840.

Merle

Eglise de Merle (photo P. Terras - Grahlf)
Eglise de Merle (photo P. Terras – Grahlf)

Relevant de la seigneurie de Rochebaron, cette localité possède une église élevée au xiie siècle, puis agrandie à l’époque gothique. Son clocher a été remonté au xve siècle.

Au dessus de l’entrée, on remarque un lion rampant récupéré au château d’Apinac à moins que ce soit celui de Valprivas.

Devant l’église, se trouve une croix reposoir où on déposait les cercueils avant leur entrée dans l’église pour reposer les porteurs qui venaient parfois de loin. C’est une croix du xv siècle dont les extrémités des bras sont festonnées. Elle est ornée de plusieurs personnages, principalement le Christ d’un côté, et de l’autre la Vierge couronnée (mais sans tête). En bas, se trouve une Pieta reposant sur un siège à arcatures, en dessous duquel on peut lire « jubilé 1826 » gravé à l’occasion d’une mission.

À l’intérieur de l’église, nous voyons une poutre de gloire avec un Christ et un voile de Véronique d’époque baroque. La nef est voûtée de plein cintre, tandis que le style gothique caractérise le chœur et les chapelles latérales. Sur un pilier, sont représentés une croix et un personnage en armure et au ventre ouvert d’où sortent de petites flammes.

A côté de la clé de voûte du chœur, très travaillée, se trouve gravée une tête avec une coiffe dont la signification nous échappe.

Leignec

Four à poix de Leignac (photo F. Chommy - Grahlf)
Four à poix de Leignac (photo F. Chommy – Grahlf)

Nous observons un four à poix remis en état en 1984 après 130 ans d’interruption. Sa disposition est identique à celle observée à Trémolet. C’est le plus beau, le plus grand et le plus « abouti » de tous ceux qui ont été retrouvés et restaurés par des associations méritantes mais aujourd’hui dissoutes. Des essais ont été effectués en 1989-1990 pour faire couler la poix qui ont été couronnés de succès.

Compte-rendu Françoise Robert

Pour voir le diaporama réservé aux adhérents, suivre le lien.