le château de Chalain d’Uzore vue des jardins (photo F. Robert/Grahlf)

Estivales 2023-Incursion en Loire-Forez

Le 19 août, c’est dans la plaine du Forez, entre Montbrison et Boën-sur-Lignon, que se déroule la 2e visite estivale organisée par le Grahlf.

Champdieu
Le groupe se retrouve sur le parking du Ruillat et se dirige vers la porte de Bize.
La tour de Bize est un des rares vestiges conservés du village fortifié de Champdieu. Elle est mitoyenne avec une porte en ogive et, comme son nom d’indique, elle se trouve au nord du village qui, à l’origine, était clos par une enceinte d’environ 550 m de long. Au rez-de-chaussée de la tour, on note la présence de deux archères et, accolé à la tour, mais à l’intérieur du village, se trouve le Centre d’Art Roman. Il y a là une maquette représentant le village de Champdieu au XVe siècle, d’après l’Armorial de Revel.
Notre guide nous emmène ensuite dans une maison vigneronne. A travers une vitre, il est possible de voir la cave et, de la terrasse, nous observons un reste du mur d’enceinte.

Longeant le prieuré, le groupe s’arrête sur une place devant l’église. A cause de travaux de restauration, une partie de celle-ci se dérobe à notre regard. Des deux clochers, seul celui du porche possède des cloches. Au Xe siècle, un groupe de moines serait venu de l’abbaye de Saint-Sébastien de Manglieu fonder le prieuré de Champdieu. Durant le XIVe siècle, le prieuré est fortifié par la surélévation des absides de l’église et l’adjonction de tourelles d’angle et de mâchicoulis sur les murs du bâtiments prieural. Au XVe siècle, le prieuré connaît une seconde campagne de travaux importants menés par Pierre de la Bâtie. Ces travaux sont marqués par l’adjonction d’un clocher-porche et d’une chapelle à l’ouest de l’église, et par une restructuration des bâtiments conventuels. En 1695, le prieuré, qui ne compte plus que deux religieux, est réuni au séminaire Saint-Irénée de Lyon.

Champdieu : crypte de l’église (photo F. Robert/Grahlf)

L’église possède un narthex et, dans la nef on note une pierre tombale du XVIIe siècle. La crypte est la partie la plus ancienne des bâtiments, puisqu’elle date du XIe siècle : c’est là qu’étaient conservées les reliques de Saint Domnin qui ont disparu à la Révolution. Pour les remplacer, il y a maintenant une statue de la Vierge enfant, c’est-à-dire une Vierge représentée sous la forme d’un nourrisson. Les chapiteaux de la crypte seraient du réemploi de chapiteaux romains.

Le prieuré, qui comprenait une douzaine de moines à son apogée, s’articule autour d’un cloître.
Après être monté au 1er étage, on entre dans une salle présentant quelques trésors de l’église : globe de mariage, reliquaires, bannières. Depuis cette salle, on prend un escalier à vis étroit qui permet de rejoindre les trois niveaux supérieurs. Le premier comprend la tribune de l’église et une deuxième salle présentant des chasubles et des vases liturgiques, le deuxième étage comprend une salle contenant aussi des chasubles, le dernier étant le chemin de ronde.

Au Musée de la brique, installé dans les anciennes cuisines du prieuré, on apprend que la briqueterie était une activité d’appoint pour les agriculteurs. Le processus pour obtenir des briques est le suivant : récolte de l’argile, affinage dans un manège par des animaux (vaches ou chevaux) pour enlever les pierres, mise en forme et compactage, séchage lent et régulier, puis cuisson. Les innovations techniques au XIXe siècle améliorent la fabrication des briques, les rendant plus résistantes au gel. Vers 1900, il y avait environ 120 briqueteries déclarées dans la Loire. Le musée présente une collection importante de briques marquées : en effet, toutes les briques présentées portent le nom de leurs fabricants, ce qui fait que tous les départements sont représentés dans les presque 700 briques exposées, et seules une ou deux sont en double.

Dans le réfectoire des moines, il y a une fresque du XVe siècle représentant la Cène, la table étant en lévitation (elle n’a pas de pied) et Judas étant agenouillé devant le Christ.
La visite se poursuit dans les rues de Champdieu, permettant de voir quelques vestiges de l’ancien hospice (actuelle maison de retraite), des remparts et des fossés.
Le pique-nique a lieu dans l’ancien dortoir des moines au prieuré.

Montverdun

Le groupe se retrouve vers 14 h devant le prieuré de Montverdun, bâti au sommet d’une butte basaltique dominant la vallée. Ce prieuré est dédié à Saint Porcaire. Selon la légende, Porcaire est un abbé qui a fui son monastère provençal pillé et attaqué par les Sarrazins, après avoir eu les yeux crevés. Il vint se mettre à l’abri en Forez, mais les Sarrazins, rancuniers, viennent jusqu’à Montverdun pour le torturer et l’assassiner.

Montverdun est cité parmi les possessions de l’abbaye de Savigny en 970. Les premières traces écrites du prieuré datent du XIe siècle. Celui-ci semble avoir été fondé dans le cadre de la rivalité croissante entre l’archevêque de Lyon et le comte de Forez. En 1233, les Augustins, qui possédaient le prieuré jusque là, sont remplacés par des moines de la Chaise-Dieu. Si les moines ont le pouvoir de justice, le comte garde le droit de tenir garnison. Le prieuré compte bientôt une vingtaine de moines. Le futur pape Clément VI commence son noviciat à Montverdun avant de rejoindre l’abbaye de la Chaise-Dieu.
La guerre de Cent Ans et la pratique de la commende 1 entraînent le déclin du prieuré. En 1640, on arrêtera d’affecter des moines au prieuré tandis que le dernier moine meurt en 1700. De 1870 à 1895, la salle capitulaire servira d’école ; les autres bâtiments deviendront le presbytère, des bâtiments agricoles, des logements… Cependant, l’église paroissiales restera un lieu de culte. La restauration du site commence à la fin des années 1960, grâce à l’action de l’Association des Amis du Pic et du curé Paul Rey, curé de la paroisse.

Montverdun : galerie du prieuré (photo F. Robert/Grahlf)

Le prieuré s’organisait autour du cloître, aujourd’hui disparu. Ce cloître était bordé au sud par la cuisine et le réfectoire, et à l’est par la salle capitulaire et la sacristie, tous aujourd’hui ruinés. La cour se trouve au sud du réfectoire et au nord du logis prieural. Ce dernier est desservi par une galerie réalisée en 1442, avec ses sept piliers de chêne reposant sur les pierres : elle permettait au prieur d’aller de ses appartements à la salle capitulaire. Au 1er étage du logis, une pièce contient une cheminée aux armes de Renaud de Bourbon, un des prieurs de Montverdun.

Le groupe prend ensuite la direction de l’église. Celle-ci, de style roman, date du XIIe siècle, mais pourrait avoir été construite sur un édifice plus ancien. Elle était composée à l’origine d’une nef unique, mais un bas-côté a été ajouté au sud ultérieurement, sans doute à cause de l’augmentation du nombre de fidèles.
Dans le bras sud du transept, on remarque la pierre tombale de Renaud de Bourbon : il y est représenté avec sa mitre d’évêque, bénissant et tenant une croix tréflée ; un chien est couché à ses pieds. Ses armoiries (armes des ducs de Bourbon mises en bande sur un écu) sont représentées à côté de sa main gauche. Renaud était le fils naturel du duc Charles de Bourbon, et a été évêque de Laon et archevêque de Narbonne, avant de mourir en 1483 à Montverdun dont il était le prieur. Un reliquaire en argent de Saint Porcaire, réalisé en 1687, est visible derrière une grille à proximité de l’autel principal.
Par une porte, on passe dans l’ancien cimetière, au nord de l’église, qui s’étend de celle-ci jusqu’au rempart. Il a accueilli des inhumations jusqu’aux années 1920. Pour terminer, le groupe visite une cave voûtée du XVe siècle qui se situait sous la maison du sacristain.

Chalain-d’Uzore

Nous sommes accueillis par la propriétaire du château, notre guide. Les jardins ne seront pas visitables : deux gros nids de frelons s’y sont installés. Et l’église est inaccessible car des fissures dans le mur ont conduit à sa fermeture en attendant les travaux.
A partir du XIIe siècle, l’église a fait partir de l’enclos du château de Chalain-d’Uzore. Les premières mentions du château datent de la fin du XIIIe siècle. Au XIVe, il devient possession des Damas de Couzan. Par mariage vers 1427, il entre dans le patrimoine .d’une branche cadette des Lévis. A la Révolution, il est vendu par Louis de Luzy-Couzan au commissaire feudiste Claude-Joseph Rombaud, qui revend le mobilier. En 1914, le château est acheté par la famille Cholat qui entame les restaurations ainsi que l’aménagement des jardins.

Chalain d’Uzore : l’église et le porche du château (photo F. Robert/Grahlf)

Le groupe se rapproche du porche du château, contigu à l’église, où sont conservés deux gisants, un homme et une femme, tous deux mutilés : il manque les têtes et les pieds, et pour l’homme, les bras et les jambes. En revanche, les armoiries sont très bien conservées. Trouvés sous le dallage de l’église en 1910, ces gisants étaient conservés dehors devant l’église, avant d’être mis à l’abri des intempéries sous le porche du château. Ils sont ceux de Gabriel de Lévis-Couzan, seigneur de Chalain-d’Uzore et bailli de Forez, mort en 1535, et de sa femme Anne de Joyeuse, morte en 1531. Ce porche mène à une cour intérieure comportant, en son centre, une fontaine. Le côté nord de la cour est formé par l’église, dont on peut voir sur le piédroit de la fenêtre le blason de Gabriel de Lévis. Le côté est de la cour est constitué d’une galerie Renaissance à l’italienne inspirée de celle de la Batie-d’Urfé. Il ne reste que le rez-de-chaussée, le 1er étage ayant été détruit au XVIIe siècle après un incendie. Les linteaux des portes de la galerie sont gravés de devises latines.
La porte tout au nord de la galerie, surmontée des armoiries de la comtesse de Forez, Anne Dauphine (épouse du duc de Bourbon), mène à la grande salle. Cette salle mesure 20 mètres sur 7, et date de 1482 d’après les relevés dendro-chronologiques de la charpente. Elle a été remaniée car la grande cheminée, qui a conservé une partie de sa décoration dorée, date de 1562. Cette salle comporte une magnifique porte en marqueterie récemment restaurée.

Compte-rendu de Erwann Rolhion