Saint-Victor sur Arlanc : la zone humide du Champs du Cros (photo F. Chommy/Grahlf)

Estivales 2023-Du côté de Craponne-sur-Arzon

Le 22 juillet 2023, c’est autour de Saint-Jean-d’Aubrigoux que s’est déroulée la 1ère estivale du Grahlf.

Saint-Victor-sur-Arlanc

Saint-Victor d’Arlanc : l’église (photo F. Chommy/Grahlf)

Le groupe se retrouve devant l’église de Saint-Victor-sur-Arlanc, citée dans le cartulaire de Brioude du Xe siècle et classée monument historique depuis 1910. Notre guide nous amène au nord de l’église pour nous montrer une tour ronde adossée au clocher. Celle-ci ne date que de la période révolutionnaire comme l’indique la dédicace, maintenant à moitié effacée par l’érosion, sur le linteau de sa porte. Cette tour abrite un escalier menant aux étages du clocher.

Le groupe se déplace ensuite sur la face sud de l’édifice. S’y trouvait un cimetière qui séparait l’église de la maison curiale. Celle-ci a été détruite et ses pierres auraient été réemployées dans ce qui est maintenant une maison d’hôte située face à la porte de l’église. On peut donc dire que la maison n’aurait fait que traverser la rue. On peut noter la présence d’un blason sur le linteau de la porte d’entrée de cette maison.
Le cimetière allait jusqu’à l’angle nord-ouest de l’église.

Sur la partie sud du transept, on note deux pierres de réemploi. Elles proviendraient d’un pont qui se situait à Pontempeyrat où elles étaient déjà en réemploi : en effet, ces deux pierres représentent des bas-reliefs gallo-romains. La première, qui forme un angle du transept, présente au regard deux faces sculptées : une fleur de lys sur l’une et la partie haute d’un homme à côté d’une frise verticale sur l’autre. On sait que cet homme est un cavalier car la pierre qui comporte la partie basse de celui-ci est actuellement conservée au musée Crozatier au Puy. La deuxième pierre, à l’envers, forme l’autre angle du mur et représente la partie haute d’un ange.

Devant la porte de l’église, notre guide raconte l’histoire des lieux. L’église actuelle est principalement de style roman avec le chœur et les transepts reconstruits au XVe siècle. Le clocher était orné sur chaque face de grosses têtes saillantes dont quelques-unes subsistent encore. La porte a sans doute été refaite au XIVe siècle.

C’est au XIIe siècle que le seigneur de Beaumont installa ici une commanderie antonienne. Les Antonins ou Hospitaliers de Saint-Antoine, étaient des moines spécialisés dans les soins aux malades atteints du « Feu de Saint-Antoine » (d’où leur nom). La maladie est aussi appelée « Mal des Ardents ». Cette maladie se développe chez les personnes qui se nourrissent de pain fait à partir de céréales contaminées par un champignon, l’ergot de seigle. Cette maladie provoque des hallucinations (le LSD est un dérivé de l’ergot), des convulsions et la gangrène des mains et des pieds. Les soins donnés par les Antonins comportaient une partie purement médicale faite d’utilisation de potions et d’onguents à base de plantes médicinales, et une partie religieuse faite d’invocation à Saint-Antoine et d’usage du Saint Vinage (du vin ayant arrosé les reliques de Saint-Antoine), le tout associé à une bonne hygiène de l’hébergement, du corps et des vêtements. La maladie disparaît dans le courant du XVIIe siècle, ce qui entraîne un affaiblissement des Antonins qui fusionneront avec l’ordre de Malte en 1776. L’ordre avait été créé en 1095.

L’église se compose d’une nef unique avec deux chapelles latérales dans les bras du transept. On y note la présence du blason d’un religieux de l’ordre de Saint-Antoine, qui a dû financer les travaux dans cette partie de l’église.
A l’entrée du chœur, il y a une statue de Saint Antoine. Mais attention : c’est Saint-Antoine l’Egyptien, à ne pas confondre avec Saint-Antoine de Padoue. Saint-Antoine l’Egyptien est représenté en moine et est reconnaissable à ses attributs : la cloche, le bâton (tous deux manquant sur la statue) et le cochon. Un symbole de l’ordre, visible dans tous les blasons présents à Saint-Victor, est la croix de Saint-Antoine, appelée aussi tau car elle a la forme de la lettre grecque (T).

La matinée touchant à sa fin, le groupe prend la direction de « La Pierre de la Fille », certains en voiture, les plus courageux effectuant le kilomètre de distance à pied, le pique-nique sous le bras.

Cette pierre, située au lieu-dit la Chalm du Cros (ou le Champs du Cros), se trouve au milieu d’une zone humide en cours d’aménagement. Elle émerge à demi du sol. Avec de l’imagination, d’autant plus que l’érosion a fait son oeuvre, on peut voir : un dé, une paire de ciseaux et une quenouille. Cette pierre est associée à une légende dont au moins deux variantes sont connues. Toutes ont pour point commun une bergère du nom d’Annie, qui s’adonnait à la couture pendant qu’elle gardait ses moutons, la bergère étant devenue la grosse pierre avec ses gravures, et ses moutons les petites pierres disséminées autour. Dans une des variantes, la bergère, dont le travail de la dentelle était connu localement, travaillait le dimanche ce qui attira le courroux du curé. Ce dernier, durant la messe dominicale, menaça ceux qui ne respectaient pas le jour saint. La bergère, ayant continué comme d’habitude, fut frappée par la foudre et transformée en pierre. Dans l’autre variante, la foudre toucha le sol et détacha une énorme pierre à Péchau qui écrasa la bergère, tandis qu’une pluie de pierres plus petites s’abattait sur les moutons et les tuait aussi.

Le récit fini, le groupe s’installa à quelques dizaines de mètres de la pierre pour pique niquer à l’ombre des arbres, le prochain point de rendez-vous étant donné à Craponne, place de la Croix de Mission.

Craponne-sur-Arzon

Place de la Croix de Mission, nous faisons la connaissance du président de la Société d’Archéologie, d’Histoire et de Géologie (SAHG) de Craponne qui sera notre guide jusqu’à la fin de la journée. Nous le suivons à travers les vieilles rues de Craponne pour aller à une ancienne maison, appelée « Maison de la Voûte » du fait de son architecture qui enjambe la rue, siège de la SAHG. Craponne est construite sur la via bolena, route romaine dont le tracé reprend certainement celui d’une voie plus ancienne. La région de Craponne est traversée par plusieurs voies romaines, la via bolena, le chemin de César et la voie livradoise.

Au siège de la SAHG on peut voir une double exposition, l’une sur la dentelle et l’autre sur le site romain de Fontboine/La Marus. C’est cette dernière qui sera mise en avant lors de notre visite.
Le bois de La Marus, sur la commune de Saint-Jean-d’Aubrigoux, était connu par une légende qui évoquait l’existence, dans des temps anciens, d’un village et de son église qui ont été détruits lors d’une bataille. Dorénavant, on peut parfois entendre sonner la cloche qui était tombée dans un puits. Si le site a été fouillé à partir de 1963, il était connu localement par la découverte de fragments de tuiles et de céramiques. Les fouilles ont permis de découvrir un bâtiment muni d’un chauffage à hypocauste (comme dans les thermes), des céramiques, des objets en fer (clous, clé…), des restes de distillation de poix et des restes de métallurgie (scories), des ex-voto (yeux en plomb, fragments de Vénus anadyomène…) et des pièces de monnaie datant du Ier et du IIe siècle de notre ère. Plusieurs hypothèses ont été formulées pour interpréter le bâtiment mis au jour : un petit temple en lien avec la médecine et la source, un poste frontière ou une villa romaine ? Seules de futures fouilles permettraient de confirmer ou d’infirmer ces hypothèses. De même, une étude au LIDAR permettrait de connaître toute l’étendue du site, camouflé par la végétation et la forêt, et peut-être d’identifier des zones à fouiller en priorité.
La visite de l’exposition terminé, le groupe retrouve ses véhicules pour se diriger vers le site de Fontboine/La Marus.

Le site de La Marus
Le groupe se retrouve sur le bord d’un petit chemin goudronné reliant le bourg de Saint-Jean-d’Aubrigoux au village de Trivis. Celui-ci reprend une partie du tracé de la voie livradoise, voie qui passe ensuite loin du site archéologique. Sur le bord du chemin, se trouve une borne milliaire qui était anciennement le socle d’une croix aujourd’hui disparue. Cette borne, haute d’environ 1,10 m pour un diamètre d’environ 56 cm, a été élevée (d’après la dédicace à moitié effacée par l’érosion) en 275 sous le règne de l’empereur Aurélien.

Site gallo-romain de La Marus (photo F. Robert/Grahlf)

Pour atteindre le site archéologique, situé à environ 4 km au nord de la borne, il faut reprendre la route pour finir sur un chemin pierreux au milieu des bois. Arrivés à une clairière, il faut terminer à pied. On passe à côté d’une source intermittente (qui avait été fouillée dans les années 1960) séparée du site par une cinquantaine de mètres. On doit quitter le chemin et s’enfoncer dans le bois pour apercevoir les vestiges romains. Ceux-ci ne sont pas loin de la limite entre la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme.
Le bâtiment découvert par les fouilles mesure 7 m sur 12, et comporte trois pièces qui se sont révélées vides de mobilier. Dans une de ces pièces, il y a peut-être des traces d’un foyer, mais cela est difficile à dire car le bâtiment comporte des traces d’incendie (couche de cendres) et de destructions volontaires.

Les fouilles ont duré une dizaine d’années, même si des pillages par des fouilleurs clandestins ont eu lieu durant celles-ci. Notre guide profite du moment pour apporter des compléments à ce qu’il a dit lors de la visite de la SAHG.
A Fontboine/La Marus, on a trouvé des traces de marbres, de verre à vitre et d’enduit rouge sur les murs. Ces éléments confortent l’hypothèse d’un lieu important car ce sont des éléments luxueux.
C’est le souhait de montrer au public les vestiges qui fait que ceux-ci sont encore visibles. En effet, il est habituel, à la fin d’une campagne de fouilles, de remblayer le site pour le protéger des intempéries. Néanmoins, ce choix de laisser à l’air libre le site a pour résultat sa lente dégradation par l’érosion.

Compte-rendu de Erwann Rolhion