Nos visites du 12 Août 2019 conduisent les 37 personnes qui y participent, principalement dans la Comté d’Auvergne : après les églises de Manglieu, nous nous rendons dans les châteaux de La Chaux-Montgros et de Mauzun.
Manglieu
Situé entre Billom et Issoire, Manglieu occupe un élargissement de la vallée de l’Ailloux, affluent de l’Allier. Son toponyme viendrait de « magnus locus », lieu grand, renommé : en effet, s’y trouvait une des plus importantes abbayes de l’ordre bénédictin d’Auvergne.
Une des particularités du village se trouve dans la présence de 2 églises voisines : au Sud, l’église Notre-Dame, ancienne église paroissiale détruite après un incendie en octobre 1966, et au Nord, l’église Saint-Sébastien, dédiée aux Apôtres jusqu’en 826, qui était l’abbatiale et qui est désormais l’église paroissiale.
L’église Saint-Sébastien.
Très endommagée à la suite des incursions normandes (milieu IXe siècle), l’église primitive, mérovingienne, fut reconstruite à partir du XIe et surtout du XIIe siècle ; une reconstruction est intervenue 3 siècles plus tard, s’appuyant sur les murs romans de l’édifice.
Le chevet plat du choeur témoigne d’un édifice pré-roman élevé au VIIIe siècle : on y remarque la trace d’un fronton triangulaire de briques plates saillantes reposant sur des corbeaux en terre cuite.
Le porche méridional du XIIe siècle est surmonté de 3 archivoltes ornées de têtes de clous et d’étoiles et reposant sur des colonnettes engagées.
La nef de l’église est précédée d’un narthex de la même période romane : son rez-de-chaussée est composé de 3 travées voûtées d’arêtes séparées par des arcs doubleaux et il communique avec la nef et les bas côtés par des baies de plein cintre.
On remarque la présence d’un sarcophage du XIIIe siècle orné d’arcatures et d’un fragment de chancel mérovingien décoré de pampres et de feuilles de vigne ; un autre fragment est une dalle de sarcophage provenant des ateliers pyrénéens des VIIe – VIIIe siècles avec son ornementation de 2 rangées de chevrons.
Le narthex est surmonté d’une haute tribune où se retrouvent les mêmes travées et qui ouvre sur la nef par une triple fenêtre surmontée d’une baie de plein cintre et dont les arcs reposent sur des colonnes jumelées ;
Lors de la reconstruction des XVe– XVIe siècles, la nef a été reprise en élévation au dessus des murs latéraux romans : elle a été percée de fenêtres gothiques et couverte d’une voûte d’ogives dont les clés sont écussonnées aux armes des abbés de Manglieu. La dernière travée, plus courte que les autres conforte l’hypothèse d’une reconstruction inachevée.
Le choeur ouvre sur la nef par un arc triomphal orné de 2 colonnes antiques en marbre gris veiné portant des chapitaux corinthiens en marbre blanc : elles peuvent remonter à l’époque mérovingienne. D’un plan carré, le choeur se prolonge par une abside arrondie : il remonte probablement à l’édifice primitif, mais son ancienneté est masquée par les nombreux remaniements dont il a fait l’objet ; il serait donc un des plus vieux bâtiments d’Auvergne.
L’église Notre-Dame.
Bâtie elle aussi à l’époque mérovingienne, elle fut entièrement reconstruite aux XIVe -XVe siècles dans le style gothique. Fermée à la Révolution, elle fut mise aux enchères le 3 novembre 1790 et achetée par le notaire de Manglieu. Restée en assez bon état, elle fut détruite par l’incendie de 1966. Les fouilles archéologiques qui ont suivi ont permis de confirmer son origine mérovingienne et la présence d’une église romane antérieure à l’église gothique dont il subsiste, à l’Ouest, une partie de la façade avec son fronton, au Nord, le mur abritant 2 chapelles, et à l’Est, les vestiges du chevet à pans.
Le château de la Chaux Montgros
Le groupe est accueilli par Mme et Mr Courtesseyre, ce dernier étant le président de l’A. R. C. M (Association Renaissance de La Chaux Montgros) : il le guidera dans sa visite.
Dominant un panorama exceptionnel de la Comté d’Auvergne d’où se détachent le Sancy et la chaîne des Puys, le château présente l’aspect, au 1er niveau, d’une forteresse médiévale (vestiges d’un pont-levis), et, pour l’essentiel celui d’une «villa» italienne de style Renaissance, soulignée par son escalier monumental.
Le Moyen-Age a « inspiré » le plan du château, un quadrilatère massif flanqué de 4 tours cylindriques et, à l’intérieur, le rez-de-chaussée voûté où se trouvaient les communs. Sont en revanche caractéristiques d’une villa italienne la distribution des salles des 2 étages supérieurs ainsi que leur décoration intérieure et extérieure, en particulier, les doubles cordons de briques qui les soulignent sur la façade.
La date exacte de sa construction ainsi que son commanditaire restent indéfinis : si la légende privilégie Catherine de Médicis (comtesse d’Auvergne), les historiens mettent en avant François de la Guesle, écuyer du duc d’Albany (seigneur du fief de La Chaux Montgros), passionné par l’architecture italienne. Le château était élevé en 1551, date d’un texte demandant au vicaire de Sallèdes de donner une messe dans sa chapelle. Cette date est retenue comme celle du début des travaux. En effet, l’analyse dendrologique d’une poutre intérieure la date du XVIIe siècle.
Le château a été apparemment bien entretenu durant 2 siècles, mais à partir de 1740, se sont succédés dénaturations, incurie et même pillages.
C’est depuis 1970, sous couvert de l’ARCM que les bonnes volontés se sont mobilisées pour sauvegarder et restaurer cet édifice qui n’était plus qu’une ruine perdue dans les broussailles et les ronces. Un bail emphytéotique a été signé avec les propriétaires privés, et il s’est d’abord agi de faire connaître le château et de couler une dalle au niveau du 1er étage. En 1995, un dossier de classement aux Monuments Historiques a été déposé, et pour apporter la preuve de l’intérêt collectif de l’édifice, la municipalité de Sallèdes a décidé de faire du château le lieu d’une animation festive à l’occasion du 14 juillet, initiative couronnée de succès. En mai 2000, La Chaux Montgros a été classé aux MH et grâce à différents soutiens, des travaux de sauvegarde ont pu être réalisés en vu de sa réhabilitation : un échafaudage, et une couverture provisoire en tôles ou « parapluie ».
Depuis 2018, un nouvel élan a été donné grâce à la résolution de plusieurs problèmes. D’abord, celui de la propriété du château qui va probablement échoir à l’ARCM, ensuite, celui du financement des travaux. La « mission Patrimoine » de S. Bern a débouché sur l’inscription de La Chaux Montgros parmi les 3 bénéficiaires, dans le Puy-de-Dôme, des gains du Loto du Patrimoine.
Aussi, en 2020, devraient commencer les travaux de restauration du toit et de 3 tours.
Le château de Mauzun
La guide qui nous a fait visiter le château a insisté particulièrement sur les techniques militaires mises en œuvre dans la construction du monument. En effet, cette technologie est le principal atout du château.
Les ruines du château sont les plus vastes constructions féodales subsistantes d’Auvergne. Certainement fortifié dès l’époque gallo-romaine, Mauzun est entièrement reconstruit au XIIIe siècle selon les principes du château philippien.
Le château repose sur une colline basaltique. La raideur de la pente est un premier moyen de défense (en épuisant physiquement l’ennemi). Il y a deux enceintes autour du château. La première est longue d’environ un kilomètre. Elle devait être basse (deux mètres de hauteur) mais suffisante pour ralentir l’adversaire. Il ne reste que peu de vestiges de cette première enceinte.
La deuxième enceinte comporte plus de vestiges. Elle est longue d’environ 550 mètres et est haute d’environ 10 à 12 mètres. Cette enceinte comprend 16 tours bâties sur le même modèle, avec des meurtrières placées de façon à ne laisser aucun angle mort. Leurs bases sont évasées, pour éviter le travail de sape. La porte est encadrée par deux tours gémellées.
Dans la capitainerie, bâtiment reconstruit au XIXe siècle non loin de la porte, la guide fit un résumé de l’histoire de Mauzun. Le comte d’Auvergne Guy II et son frère Robert, évêque de Clermont étaient en conflit. Ce conflit familial prendra une dimension géopolitique : Guy II se met sous la protection du duc d’Aquitaine (accessoirement roi d’Angleterre) tandis que Robert choisit celle du roi de France. Un conflit armé s’engage entre les deux frères. Guy fait prisonnier Robert. Le roi de France Philippe-Auguste réagit et cet incident qui lui sert de prétexte pour annexer l’Auvergne. Pour mieux marquer la présence royale, le château est donné à l’évêque et est rebâti. C’est cette reconstruction qui est encore visible de nos jours. Le château est resté intact jusqu’à la évolution. Il servira de carrière de pierre. Le château fut pris en 1375 par les Anglais, avant d’être repris par les Français en 1385. Lors des Guerres de religion, les protestants le tiennent temporairement avant que la Ligue ne le reprenne. Lors de la Fronde, sous Louis XIV, les frondeurs tentent de s’emparer de Mauzun, sans succès.
Après avoir choisi entre deux parcours de visite, la visite a repris. Nous avons longé le château par l’ouest. Dans cette partie de la basse-cour se trouve un élément clé : la citerne. L’eau qu’elle renferme est une résurgence d’une nappe phréatique, ce qui offre une eau de bonne qualité.
Au nord du château, il y a une terrasse qui longe le logis seigneurial. La pente abrupte sur le coté nord du site permet de réduire les défenses du château. Ainsi, l’évêque avait de grandes fenêtres sur le mur nord de ses appartements.
Le château est un quadrilatère flanqué de quatre tours, avec des murs épais de 4,5 mètres par endroits. Bâtie directement sur le socle rocheux, la base des tours et des murs n’est pas évasée : la dureté du basalte est une protection naturelle contre le travail de sape.
La tour nord-est contient une chapelle dédiée à St Michel. La tour nord-ouest, en plus des salles pour la défense, contient une cave et un grenier. Entre ces deux tours, le logis de l’évêque avec sa salle d’audience, les cuisines et les appartements privés du prélat. Les bâtiments à l’intérieur du château sont ruinés, ce qui ne permet pas de définir l’agencement à l’intérieur des remparts castraux.
Vers la tour sud-est, il y a néanmoins des traces du dispositif de défense de la porte principale du château. On y voit la rainure de la herse et les coulisses de barres de fermeture. L’accès à la porte est raide et tournant, ce qui limite l’usage des béliers. La porte donne accès, dans le château, à une courette qui fait office de souricière.
Le dispositif de défense est complété par un pont qui précède la porte. Ce pont ne laisse passer les personnes qu’une à une.
Comptes-rendus de F. Robert et Erwann Rolhion.
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